Près de 1.5 milliard d’élèves ont été touchés par la fermeture des écoles suite à la pandémie de Covid-19. Aux cours en présentiel se sont substitués les modules online, mais faute d’infrastructures, l’Afrique peine encore à s’accrocher au wagon numérique de l’éducation. Dès lors, comment les systèmes éducatifs africains peuvent-ils se prémunir contre une prochaine pandémie ?
Depuis l’arrivée de la pandémie sur le continent, le Conseil économique et social de l’Union africaine (ECOSOCC-UA) et la Banque africaine de développement (BAD) ont lancé une série de webinaires périodiques. Cette initiative portée par les conseils de santé publique avec le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC Afrique) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est penchée sur des thèmes aussi divers que la mobilisation des ressources, l’assainissement ou encore la désinformation. Le rendez-vous digital du 11 juin dernier s’est intéressé au renforcement des systèmes éducatifs sur le continent après la pandémie, à l’heure où quelques 297 millions d’élèves s’apprêtent à regagner les bancs de l’école (dont 100 millions en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale).
A lire aussi : LE MONDE CÉLÉBRE LE 30 ÉME ANNIVERSAIRE DE L’ENFANT AFRICAIN
La crise du Coronavirus a mis en exergue la fracture numérique sur un continent où le taux de connectivité ne dépasse pas 30%, rendant aléatoire tout suivi éducatif dématérialisé. Si « l’accès à l’éducation en ligne est un droit » pour Martha Muhwezi, la Secrétaire exécutive de FAWE (Forum for African Women), 89% des apprenants n’ont toujours pas accès à Internet en Afrique subsaharienne, selon l’Unicef. « Ces inégalités constituent une réelle menace pour la continuité de l’apprentissage », alertait d’ailleurs Stefania Giannini, la sous-directrice générale de l’Unesco pour l’éducation, dès le 21 avril.
Du côté des étudiants connectés, l’optimisme est au beau fixe et les perspectives encourageantes, comme en témoigne Sabrine Khaloub, étudiante à l’Université de Marrakech, qui reconnaît qu’après une brève période de familiarisation, elle a « gagné en confiance » et regrette d’avoir attendu la pandémie de Covid-19 pour bénéficier d’un accès à une plateforme de e-learning.
Une coalition éducative mondiale face à la pandémie
A l’échelle mondiale, près de 1.5 milliard d’apprenants ont déserté leurs écoles au cours du mois d’avril 2020, selon les Nations unies. L’apparition de la pandémie aura entraîné la fermeture des établissements scolaires et creusé les inégalités en matière d’apprentissage, tout en générant de nouveaux mécanismes de solidarité.
Le coronavirus aura également révélé des carences alimentaires consécutives à la fermeture des cantines ainsi qu’une tendance accélérée de décrochage scolaire dans les milieux les plus défavorisés. Amina Mohamed, la Secrétaire générale adjointe de l’ONU avertissait dès l’arrivée de la pandémie, que
« pour des millions d’enfants et de jeunes issus des milieux défavorisés, la fermeture des écoles pourrait signifier la perte d’un filet de sécurité vital de nutrition, de protection et de soutien émotionnel ».
Face au défi de l’éducation en période de pandémie mondiale, les Nations unies ont élaboré dans l’urgence une réponse éducative au coronavirus, qui réunit de nombreux partenaires multilatéraux tels que le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), l’Organisation internationale du travail (OIT), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la Banque mondiale, le Programme alimentaire mondial (PAM), l’Union internationale des télécommunications (UIT), la Banque mondiale, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), mais aussi les acteurs du secteur privé. Microsoft, GSMA, Weidong, Google, Facebook, Zoom, KPMG et Coursera ont rejoint la Coalition et apportent leurs ressources en matière de technologie et de renforcement des capacités, tout comme un certain nombre d’organisations philanthropiques telles que la Khan Academy, Dubaï Cares, Profuturo ou encore Sesame Street.
Le cas d’école de la Sierra Leone
La Sierra Leone comptabilise 570 cas confirmés de coronavirus et 34 décès, et entend bien s’appuyer sur son expérience récente d’Ebola – qui avait fait 4 000 morts) pour prévenir d’une propagation du virus. Classé au 163e rang du Doing Business 2020, le pays pâtit de profonds écueils structurels et la plupart de ses habitants survivent avec moins de 2 dollars par jour.
Au niveau éducatif, la situation reste préoccupante et seulement 49% des enfants achèvent leurs cycles secondaires. Néanmoins, le pays cherche à optimiser l’apprentissage à distance, en dépit d’un taux de connectivité encore faible. En effet, d’après le ministère de l’Information et de la Communication, 13% de la population avaient accès à Internet en 2019. « Même si nous ne disposons pas d’un niveau de connectivité optimal, il ne faut pas rester sur une vision régressive de l’éducation […] Nous devons prendre le virage numérique » affirme David Sengeh, ministre de l’Education de la Sierra Leone.
Les Sierra Léonais ont retenu certains principes de l’épidémie d’Ebola, qu’ils ont rapidement appliqués dès l’apparition du coronavirus, comme la fermeture de leurs établissements scolaires dont les portes étaient restées closes pendant 8 mois. Le gouvernement a également adopté une approche éducative multisectorielle, en y intégrant la protection sociale et la santé.
Les grossesses d’adolescentes déscolarisées avaient bondi de 60% pendant l’épidémie d’Ebola et les filles enceintes étaient devenues officiellement persona non grata dans les écoles de Sierra Leone, en 2015. Depuis, David Sengeh n’avait cessé de militer pour abolir cette loi. Un cheval de bataille finalement remporté par le ministre de l’Education, en mars dernier…
Le coronavirus aura donc permis de mettre en pratique certaines leçons tirées de l’épidémie d’Ebola, sans toutefois masquer les écueils infrastructurels considérables, qui ne permettront pas de garantir la continuité d’une éducation dématérialisée, en cas de nouvelle vague épidémique.